Wednesday, March 2, 2011

Michel Foucher - Un géographe nomade

Michel Foucher a fait des frontières le fil conducteur de ses pérégri­na­tions. Depuis près de quarante ans, ce géographe et diplomate analyse inlassablement les lignes de vies qu’elles génèrent, fécondent, coupent, bouleversent ou anéantissent. Longer ou traverser les frontières suscite pourtant chez lui toujours «la même appréhension et la mê­me curiosité». «Qui n’a pas besoin d’un horizon ?», souligne le géographe, co-commissaire scientifique d’une exposition au Muséum de Lyon, consacrée à la question des frontières.

Amérique centrale, Afrique an­glo­phone, Europe, Balkans, Caucase, Asie, Moyen et Proche-Orient… Aucune région, aucun pays – excepté l’Australie, le Vietnam et la Corée – dont ce professeur à l’université Lumière Lyon II, fondateur de l’Observatoire européen de géopolitique, n’ait exploré et étudié les limites. Écrits, enseignements en France comme à l’étranger, fonctions et missions témoignent de son ex­per­tise. Ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine et membre de son cabinet en charge des questions politico-stratégiques, Michel Foucher a été ainsi pendant quatre ans, de mai 1999 à octobre 2002, directeur du Centre d’analyse et de prévisions de ce même mi­nis­tère, jusqu’à sa nomination comme ambassadeur de France en Lettonie, poste quitté en janvier dernier.

Rencontres, entretiens, négociations au plus haut niveau, «les années Védrine ont été des années d’accomplissement durant lesquelles j’ai mis à disposition mon savoir-faire géographique, fait du politico-stratégique et touché au vif du sujet», dit-il avec nostalgie. Balkans, Caucase, Israël/Palestine, Moyen-Orient : les souvenirs restent vivaces, et l’intérêt porté à ces régions demeure toujours aussi aigu. «J’ai été très heureux au moment de la chute du mur de Berlin. Et je ne voudrais pas mourir avant qu’il y ait la paix au Proche-Orient», confie-t-il en hésitant aussitôt sur l’interprétation de ces mots qu’il ne veut pas emphatiques. Car derrière le costume cravate et la retenue se révèlent l’engagement et les préoccupations d’un homme en prise avec son époque. Les premières expériences de voyages se firent dans ce sens, mais «sans le vouloir ni le savoir». Périple à 18 ans en Méditerranée via Venise, Dubrovnik, Athènes, Héraklion, Chypre et travail dans un kibboutz, puis séjour à Berlin-Ouest, deux ans plus tard, avec incursion d’une journée à Berlin-Est et premiers frissons à Check Point Charlie : «Le besoin de voir» se superposait déjà à la démarche initiatique.

C’est en Amérique latine, au nord-est du Brésil, puis au Chili et en Bolivie que Michel Foucher fait ses premières classes de chercheur et entame un travail de thèse consacré aux frontières du tiers-monde – thèse qu’il nourrira plus tard d’un chapitre sur l’Europe, et qui deviendra, en 1987, Fronts et Frontières, un livre de référence réédité trois fois depuis.

Dans la revue de géographie et de géopolitique Hérodote – dont il fut membre du comité de direction de 1974 à 1991 – Michel Foucher écrit dans le prolongement de ses travaux universitaires des premiers articles remarqués et balaie l’écart entre géographie active et géographie politique. «Le premier consacré aux raisons de l’échec de Che Guevara, je l’ai signé sous le pseudonyme de Thomas Varlin, dit-il. Par prudence vis-à-vis de ma hiérarchie universitaire.» Une signature cependant non dénuée de sens : «Thomas, comme le prénom de mon premier fils, et Varlin, du nom du communard fusillé en mai 1871.»

Voyager pour se confronter à la réalité et ainsi mieux la saisir tisse une trame dans sa vie dont il ne cesse d’alimenter les fils. «Traverser les frontières m’aide à voir.» Cette phrase de Michel Butor, Michel Foucher aime la citer. Car pour ce géogra­phe impliqué, «il n’y a pas d’identité sans frontières, qui sont là pour borner l’existence collective de repères symboliques mais visibles. Quand il n’y a plus de frontières, il n’existe plus de communauté politique. Les identités se diluent et le “sans-frontière” laisse l’individu face à lui-même et au monde. Il n’y a de “moi sans eux, sans les autres”, pas de dedans sans dehors, pas de distance et de liberté sans traversée des frontières.» Selon ses calculs, environ 230 000 km de frontières politiques terrestres et 264 frontières inter-étatiques structurent aujourd’hui le monde. Des chif­fres que conflits, traités et adhésions ont alimentés bien loin des discours du “sans frontières” qui fleurissent. Et Michel Foucher de rappeler à cet égard que le “vieux continent” constitue, «du point de vue géopolitique, le plus neuf puisque, depuis 1989, plus de 14 000 kilomètres de frontières internationales nouvelles ont été créées et reconnues». Mais ce qui importe, à ses yeux, «est moins la matérialité des frontières que le rapport entretenu par les hommes avec elles et le regard porté sur ces tracés».

De fait, «traverser une frontière, regarder au-delà, écrit-il en préface du catalogue de l’exposition “Frontières”, c’est prendre le risque de s’aventurer sur un continent étranger, de faire face à un horizon différent, d’être surpris par des visages nouveaux et de se découvrir sans foyer, sans identité, ou du moins, mis en cause (…). Les frontières sont des constructions territoriales qui mettent à distance dans la proximité et provoquent un effet de miroir. Le regard de l’autre et l’ouverture sont toujours un risque, mais le dedans peut-il s’épanouir sans un dehors qu’il inscrit dans son imaginaire ?» 

Cette interrogation, Michel Foucher l’a faite sienne. «Chaque individu doit assumer sa part d’Hestia – gardienne du foyer – et sa part d’Hermès – nomade, vagabond, maître des échanges, des contacts, à l’affût des rencontres, dieu des chemins et guide des voyageurs, dit-il. Les exilés et les migrants le savent bien, eux qui ne pensent trouver leur salut qu’au-dehors puisqu’ils ont été chassés de leurs foyers.» Ni conflits, ni exils toutefois dans la vie de cet homme né en 1946 à Montrouge, «dans ce que l’on appelait autrefois “la zone” et qui est devenue l’aire de circulation du périphérique». Seulement le sentiment, très jeune, qu’il trouverait dans le voyage l’équilibre et la réponse à ce besoin vital de liberté, de vérité et d’humanisme.

«Mon goût pour la géographie est né très tôt, raconte-t-il, à l’âge de 4 ou 5 ans, avec un jeu de cartes du monde où il fallait associer pays et capitale.» La lecture de Tintin et des Atlas a donné ensuite aux États leurs premières images, comme les ouvrages illustrés obtenus en prix de fin d’année scolaire, des «livres sur l’Argentine, la Mongolie…Le voyage était alors un espace de liberté lié au mérite.» Les cours d’histoire-géographie reçus au pensionnat des franciscains par trois pères missionnaires et les conférences de géopolitique données le ­ven­dredi soir ont nourri son appétence. «Les voyages en France étaient peu nombreux. Les vacances étaient un luxe.» Depuis, son agenda de “semi nomade”, comme il se définit ­lui-même, jongle en permanence avec des dates de départ et de retour de contrées proches ou lointaines. Avec Paris et la rive gauche pour aire d’habitation, et pour terre, la Touraine du Sud, la terre de ses parents et lieu de sépulture de la famille.  
Christine Coste
LeMonde

The awful truth: education won't stop the west getting poorer

Skilled jobs will go to the lowest bidder worldwide. A decline in middle class pay and job satisfaction is only just beginning Western Europeans and Americans are about to suffer a profound shock. For the past 30 years governments have explained that, while they can no longer protect jobs through traditional forms of state intervention such as subsidies and tariffs, they can expand and reform education to maximise opportunity. If enough people buckle down to acquiring higher-level skills and qualifications, Europeans and Americans will continue to enjoy rising living standards. If they work hard enough, each generation can still do better than its parents. All that is required is to bring schools up to scratch and persuade universities to teach "marketable" skills. That is the thinking behind Michael Gove's policies and those of all his recent predecessors as education secretary

But the financial meltdown of 2008 and the subsequent squeeze on incomes is slowly revealing an awful truth. As figures out last week from the Office for National Statistics show, real UK wages have not risen since 2005, the longest sustained freeze in living standards since the 1920s. While it has not hit the elite in banking, the freeze affects most of the middle class as much as the working class. This is not a blip, nor the result of educational shortcomings. In the US, which introduced mass higher education long before Britain, the average graduate's purchasing power has barely risen in 30 years. Just as education failed to deliver social democratic promises of social equality and mobility, so it will fail to deliver neoliberal promises of universal opportunity for betterment.

"Knowledge work", supposedly the west's salvation, is now being exported like manual work. A global mass market in unskilled labour is being quickly succeeded by a market in middle-class work, particularly for industries, such as electronics, in which so much hope of employment opportunities and high wages was invested. As supply increases, employers inevitably go to the cheapest source. A chip designer in India costs 10 times less than a US one. The neoliberals forgot to read (or re-read) Marx. "As capital accumulates the situation of the worker, be his payment high or low, must grow worse."

We are familiar with the outsourcing of routine white-collar "back office" jobs such as data inputting. But now the middle office is going too. Analysing X-rays, drawing up legal contracts, processing tax returns, researching bank clients, and even designing industrial systems are examples of skilled jobs going offshore. Even teaching is not immune: last year a north London primary school hired mathematicians in India to provide one-to-one tutoring over the internet. Microsoft, Siemens, General Motors and Philips are among big firms that now do at least some of their research in China. The pace will quicken. The export of "knowledge work" requires only the transmission of electronic information, not factories and machinery. Alan Blinder, a former vice-chairman of the US Federal Reserve, has estimated that a quarter of all American service sector jobs could go overseas.

Western neoliberal "flat earthers" (after Thomas Friedman's book) believed jobs would migrate overseas in an orderly fashion. Some skilled work might eventually leave but, they argued, it would make space for new industries, requiring yet higher skills and paying better wages. Only highly educated westerners would be capable of the necessary originality and adaptability. Developing countries would obligingly wait for us to innovate in new areas before trying to compete.

But why shouldn't developing countries leapfrog the west? Asia now produces more scientists and engineers than the EU and the US put together. By 2012, on current trends, the Chinese will patent more inventions than any other nation. As a new book – The Global Auction (by sociologists Phillip Brown, Hugh Lauder and David Ashton) – argues, the next generation of innovative companies may not be American or British and, even if they are, they may not employ American or British workers.

It suggests neoliberals made a second, perhaps more important error. They assumed "knowledge work" would always entail the personal autonomy, creativity and job satisfaction to which the middle classes were accustomed. They did not understand that, as the industrial revolution allowed manual work to be routinised, so in the electronic revolution the same fate would overtake many professional jobs. Many "knowledge skills" will go the way of craft skills. They are being chopped up, codified and digitised. Every high street once had bank managers who used their discretion and local knowledge to decide which customers should receive loans. Now software does the job. Human judgment is reduced to a minimum, which explains why loan applicants are often denied because of some tiny, long-forgotten overdue payment.

Brown, Lauder and Ashton call this "digital Taylorism", after Frederick Winslow Taylor who invented "scientific management" to improve industrial efficiency. Call centres, for example, require customers to input a series of numbers, directing you to a worker, possibly in a developing country, who will answer questions from a prescribed package. We are only at the beginning; even teaching is increasingly reduced to short-term, highly specific goals, governed by computerised checklists.

Digital Taylorism makes jobs easier to export but, crucially, changes the nature of much professional work. Aspirant graduates face the prospect not only of lower wages, smaller pensions and less job security than their parents enjoyed but also of less satisfying careers. True, every profession and company will retain a cadre of thinkers and decision-makers at the top – perhaps 10% or 15% of the total – but the mass of employees, whether or not they hold high qualifications, will perform routine functions for modest wages. Only for those with elite qualifications from elite universities (not all in Europe or America) will education deliver the promised rewards.

The effects of the financial squeeze and deficit reduction programme will threaten much more than this government's survival. We shall see, in all probability, a permanent reduction in British living standards that can't be arrested by educational reform. Neoliberalism, already badly dented by the financial meltdown, will be almost entirely discredited. Governments will then need to rethink their attitudes to education, inequality and the state's economic role.

Source - Guardian